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Lecture Critique d’Affiche / pour le droit de débattre dans la vérité

16 Mar

Ce billet va être court.

Et pour cause : il pourrait être si long…, ce ne serait pas raisonnable. (Je suis une fille raisonnable).

Je sais bien qu’un billet étoffé compenserait l’irrégularité de publication. Mais fais moi confiance, ami lecteur (oui oui, toi et moi c’est du solide), c’est mieux en court. En plus c’est moi qui décide. Et l’argument ultime…je n’ai jamais aimé « compenser », y’a rien qu’à voir les talons qui le sont pour comprendre pourquoi.

(En vrai, c’est pas vrai, j’aime bien certaines chaussures à talons compensés… J’ai même une paire. Mais tu t’en fous un peu.)

Arrivée à l’issue de cette introduction, il est sans doute temps de t’annoncer le sujet (quand même): la campagne de communication de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. ADMD. Elle est sortie il y a une dizaine de jours, tu remarques que je me suis retenue.

Je précise: je ne parlerai pas de l’euthanasie. Juste de la campagne en elle-même.

On pourrait dire pas mal de trucs, Koztoujours par exemple en a glissé trois mots. Pour ma part, je vais juste me concentrer sur le médical, rapport à l’idée de faire court, et de maitriser un tantinet mon sujet.

Trois patients souffrant d’une maladie, type cancer ou une autre saloperie dans le genre. La possibilité de guérir est écartée.  La démarche n’est donc plus curative et nous sommes dans une logique palliative.

Jusque là, tout le monde est d’accord. Il n’y a rien de conflictuel dans ce que je viens de dire (je ne suis pas une fille conflictuelle).

Maintenant, je pose mon regard d’externe en soins palliatifs sur cette affiche. Quelques éléments…m’interrogent et me hérissent le poil.

Parce que, contrairement à ce que l’ADMD nous montre,

– dans un vrai service de soins palliatifs, la nourriture est bonne. Préparée dans le service par les aides-soignantes, elle fait saliver les externes surtout quand c’est Pascale qui cuisine, je peux en témoigner. Par conséquent, les patients n’ont pas ce teint verdâtre du mec qui va bientôt vomir sa langue de bœuf (souvenirs de cantine). Cette couleur est simplement le résultat d’un filtre photographique savamment choisi.

– dans un vrai service de soins palliatifs, les malades ne sont pas en blouses d’hôpital, en tout cas pas tous : l’équipe soignante essaie au maximum d’avoir le linge personnel du patient. Pour lui et sa famille, c’est bête, mais ça change tout. Ça semble un point de détail, ça ne l’est pas. Sinon, l’affiche ne mentirait pas là-dessus.

– dans un vrai service de soins palliatifs, Mme Le Pen et M. Bayrou n’auraient pas de saturomètre, ce petit machin blanc accroché à leur doigt, qui permet aux médecins de savoir si le sang de la personne est bien oxygéné.

Explications :

* dans un service de médecine curative (médecine interne, gynéco, pneumo, etc.), ça arrive, oui. Surtout en pneumo, forcément. Si la sat’ diminue, on augmente l’oxygène. Bon, c’est du raccourci que je fais, sinon on ne se coltinerait pas 10 ans d’études, quand même.

* dans un service de soins palliatifs, on ne règle pas l’oxygène sur la sat’, mais sur le ressenti du patient : est ce qu’il cherche l’air ? Est-ce qu’il est gêné cliniquement par l’hypoxie ? Le but n’est pas d’obtenir une sat’ supérieure à 90%, mais d’assurer le plus grand CONFORT possible au malade. D’où l’absurdité d’utiliser un saturomètre, en continu qui plus est.

Sauf bien sur pour jouer sur le misérabilisme, rajoutons des tuyaux, ça fera plus pire.

– dans un vrai service de soins palliatifs, ben c’est pareil, ce serait un non-sens total de coller un tensiomètre à un patient. Au niveau médical, ça n’apporterait rien. En revanche, ce truc se gonfle bruyamment toutes les 3 minutes, encombre le patient, et… rajoute du pathétique à la scène. #OhWait, comme on dit sur Twitter.

– dans un vrai service de soins palliatifs, vu la tête des patients, le traitement antalgique aurait été majoré depuis belle lurette. La morphine, ça s’appelle. Et ça marche vachement bien.  Ah, c’est sûr, ça fait moins pleurer dans les chaumières.

Voilà. Je suis restée sur le médical pur, et déjà les mensonges affluent. L’ADMD joue sur le misérabilisme d’une manière éhontée, c’en est même offensant pour toutes les équipes médicales qui cherchent à assurer le meilleur confort à leurs patients.

L’euthanasie, pour ou contre, est un débat qui mérite d’avoir lieu. Mais pour qu’il y ait débat, encore faut-il qu’il y ait information, réflexion, discussion. On en est très loin avec ces images, qui se rapprochent plutôt d’une sorte de kidnapping émotionnel.

Je m’arrête là, ce n’est pas court du tout, même en enlevant les photos. Je ne suis pas une fille raisonnable, en fait.

Je suis une fille énervée.