Depuis quelques jours, pour des raisons totalement inexpliquées et indépendantes de l’actualité, un mot me trotte dans la tête : dignité.
Bon, plutôt une expression, en fait : « dignité de l’être humain ». 11 000 000 de résultats environ sur Google. Apparemment je ne suis pas la seule à me poser des questions.
Dignité. Digne. Être digne de.
Je cherche des exemples de phrases pour contextualiser ces mots, et je m’aperçois d’une chose: ils n’ont pas le même sens!
Je m’explique, je sens que je vous ai perdus. Dites pas le contraire, c’est l’intuition féminine qui parle.
A la messe, tous les dimanches, je dis avec moult conviction : « Je ne suis pas digne de Te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guérie ». Et quand je fais des choses pas terribles, je me dis à moi-même: «ma fille, ce comportement n’est pas digne de toi ». Derrière ce « être digne de », se cache donc une idée de valeur, de mérite : je ne mérite pas de recevoir le Christ en moi (je vous rassure, il pallie ce manque). Pareillement, je vaux mieux que certains de mes actes (ouf !).
Mais qu’en est-il de la « dignité » ?
La dignité d’une personne, ce n’est pas son mérite. Il me semble que c’est quelque chose de beaucoup plus absolu, plus essentiel.
Tout être humain est-il digne ?
Oui.
Un arrêt de la Cour Européenne de Justice d’octobre 2011 reconnaissait la dignité de l’embryon humain dès sa conception, et par là, interdisait leur utilisation à des fins de recherche scientifique. Déjà à cet âge-là, nous pouvons donc parler de dignité de l’être humain.
D’ailleurs, les personnes pro-euthanasie se battent pour le droit de « mourir dans la dignité » ; très logiquement j’en déduis qu’elles y croient, elles aussi, à la dignité de l’être humain. Ce qui nous fait donc un point en commun, c’est toujours ça de pris 😉 .
Bon. Mais d’où nous vient cette dignité ?
Pourquoi l’être humain se sent-il digne ? Nous avons conscience, et c’est heureux, de notre supériorité sur l’animal. Depuis pas mal de temps maintenant, l’homme cherche ce qui l’en différencie : le langage ? L’intelligence ? Le rire ? La spiritualité ? Je vous rassure, je ne prétends pas avoir la réponse, ça me passe bien au-dessus.
En revanche, je pense que la conscience de notre dignité vient justement de la conscience de notre différence. Dans le règne animal, nous sommes une race à part, et cela nous élève.
Qu’est ce que cela entraine ?
C’est vrai, quoi, la dignité de l’être humain, c’est bien beau, mais ça lui rapporte quoi ? (« Et combien ? » rajoutera l’affreux libéral). Eh bien, le respect, je crois. Le respect de chaque personne, quels que soient son sexe, sa couleur, sa religion, et j’en passe ; gratuitement et entièrement ; pour le simple fait que c’est un homme, et qu’en soi, il est respectable. (Amen.)
Bon, vous me direz, entre la dignité et le respect, nous voguons de notions abstraites en notions abstraites, c’est très sympathique mais le schmilblick n’avance pas du tout beaucoup. Nous y venons.
Comment respecter la dignité humaine lors de la fin de vie?
(Oui, hein, nous allons nous concentrer là-dessus, sinon nous ne sommes pas sortis de l’auberge).
Mais d’abord, quels sont les attributs de la dignité humaine ? Accrochez-vous, c’est ici que les opinions divergent. Comme je suis une scientifique, je vous ai fait des jolis graphiques. (Vous m’en direz des nouvelles !) (Cliquez pour agrandir.)

CE QUE J'EN PENSE

CE QUE D'AUTRES EN PENSENT
Ces graphiques, très simplistes je l’admets, posent au final une question : la dignité de l’être humain est-elle absolue ou relative ?
Je penche plus fort que la tour de Pise pour la première hypothèse. La dignité de l’être humain s’étend de l’embryon jusqu’au vieillard, elle est intrinsèque au genre humain. L’homme ne perd jamais sa dignité d’homme, vivrait-il dans les conditions les plus indignes. Et d’ailleurs, je veux pas me la péter mais un peu quand même mais la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 voit son Préambule commencer ainsi: « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde », et cætera, et cætera. On retient: « dignité inhérente ».
Si la dignité était relative (seconde hypothèse pour ceux qui suivent), c’est-à-dire plus ou moins présente selon les conditions de vie de la personne… qui déterminerait les « critères » d’indignité ? Aujourd’hui, certains pensent à la douleur, la dépendance, la pénurie de personnels. Au Pays-Bas, c’est désormais la vieillesse qui est visée. Dans 15 ou 30 ans, ce sera la myopie?! Nous souhaitons tous mourir en bonne santé, c’est humain ; la mort est sale, la mort est triste, la mort n’est pas glamour; nous voudrions donc « mourir en vie », si je puis dire. Avec, à terme, le mythe de l’homme parfait, efficace, fonctionnel. Utile. Sans faiblesse, sans vulnérabilité.
Je reviens à ma question : comment respecter la dignité de l’être humain en fin de vie?
–hypothèse n°=1, la dignité est un absolu.
Le respect consiste alors à assurer des conditions de vie dignes de l’homme. Vous avez vu, le « digne de » est de retour ! Et oui, car du fait de notre dignité, nous méritons une certaine qualité de vie. Et malheureusement, c’est loin aujourd’hui d’être le cas, comme cette jeune de 17 ans le dénonce avec talent.
Respecter la dignité de la vie humaine, c’est employer davantage de personnel dans les maisons de retraites. Développer et améliorer les soins palliatifs, notamment pédiatriques. Soutenir les réseaux d’aides à domicile. Veiller à l’accompagnement médical, psychologique, social, spirituel des malades et de leurs familles. Former les médecins et soignants de toutes spécialités. Continuer les recherches pour optimiser sans cesse la prise en charge. Mais aussi…communiquer sur toutes ces actions auprès de la population, pour la sensibiliser à la question. Des sondages montrent que les français sont pour l’euthanasie ? D’autres montrent qu’ils ne sont surtout pas du tout informés.
Respecter la dignité de la vie humaine, c’est aussi interdire l’acharnement thérapeutique. Et ça, ça tombe bien, parce que C’EST DÉJÀ FAIT. La loi Léonetti de 2005, les amis. Mais vous êtes 68% à ne pas le savoir (cf lien ci-dessus).
–hypothèse n°=2, la dignité est relative.
Dans ce cas, respecter cette dignité signifie euthanasier le patient, avant qu’il ne soit rendu indigne de vivre de par ses conditions de vie. Mais alors, quels « critères » pour évaluer la dignité d’une personne? Mais alors, quel « seuil » pour passer de la dignité à l’indignité ?
En conclusion, parce que ma fibre scientifique se double d’un esprit synthétique, le choix se résume à ça:
-Soit nous avons notre dignité, DONC nous méritons de meilleures conditions de fin de vies.
-Soit nous avons certaines conditions de fin de vie, DONC notre dignité n’est plus assurée et il faut euthanasier.
Je choisis la vie, résolument. Et vous?
Edit: un nouveau lien, la réaction de Jean Léonetti à la proposition de F. Hollande. Je cite: « Quant à la notion de « dignité », il rappelle qu’elle ne peut « se limiter à l’estime de soi qu’on lit dans le regard de l’autre », mais qu’elle est intrinsèque à « la personne humaine elle-même, comme le rappellent tous les textes constitutionnels ou internationaux ». » Je vous promets, je l’avais pas lu avant. Mais vous savez ce que l’on dit des grands génies…
Étiquettes : débat, euthanasie, médecine, mort, réflexion, vie