Divin devoir

27 Juil

Hier, nous étions le 26 juillet. Date anodine à première vue, c’est en fait le signe indubitable que dans 10 mois tout pile, je passerai les Epreuves Classantes Nationales, dites ECN, alias le concours de l’internat. Du coup, plus moyen de me mentir à moi-même : je suis bien en sixième année de médecine. Ces dix mois vont demander beaucoup de travail, de motivation, de pleurs et de pétage de câble, de confs ECN, de kebab, de cookies et de joggings.

Ne paniquons pas, ça va bien se passer.

Pour tout vous dire, ça me fait un tout petit peu peur, surtout en imaginant les luttes acharnées contre ma légendaire paresse que je vais devoir mener.

Et le pire, c’est que ce sera mon devoir d’état. [Musique dramatique]

#PointDéfinition : Nous sommes chacun dans un « état de vie » : marié, célibataire, consacré, étudiant, employé, artisan, retraité… Cet état de vie comporte des devoirs, des obligations. Par exemple, je dois travailler mes cours. Pour un chrétien, ces obligations sont la traduction concrète de la volonté de Dieu sur nous, et constituent notre devoir d’état.

Lorsque j’ai entendu cette expression pour la première fois, je devais être adolescente. Autant vous dire que le mot devoir ne sonnait pas bien du tout, parce que « tu vois moi je crois que le devoir est une oppression et moi je veux vivre libre et sans contraintes, parce que C’EST BON JE SUIS GRANDE MAINTENANT». Maintenant que je suis adulte, enfin il paraît, le concept prend une toute autre saveur. Mon devoir d’état, c’est ce que je dois faire, certes. Mais je ne le fais pas pour lui-même, mais bien parce que c’est là que Dieu m’attend ! Dès lors, je choisis librement d’accomplir mon devoir, non pour lui-même, mais comme moyen de rencontrer Dieu. Avouez que ça donne du relief à mes cours de cardio, nan ?

Enfin, je vous dis comme un idéal que je vise, pas comme une réalité que je vis à 100%. Dans la vraie vie, mes heures de bosse me paraissent parfois souvent dénuées de sens, stériles, sans fruit.

C’est vrai, quoi ! On nous fait rêver à coup de Jeanne d’Arc, de mère Térésa, de St Vincent de Paul, de St François d’Assise ; on nous parle de stigmate, de miracle, d’oraison céleste, de rayonnement incroyable ; et à la fin, on me dit que mon devoir à moi est de bosser bêtement ma cardio ?! Mais moi je voudrais évangéliser en Asie, ouvrir un orphelinat en Afrique, sortir les gamins latinos des cartels de drogues, monter un système pour embaucher tous les clodos de France et de Navarre, je ne sais pas… Un truc qui ait de la gueule, quoi !

Et non. Mon stupide livre de cardio.

Et St François de Sales s’en mêle : « De quoi sert-il de bâtir des châteaux en Espagne puisqu’il nous faut habiter en France ? ». Bim. Parce qu’effectivement, il est très peu productif de rêver une grandeur imaginaire, si Dieu m’attend dans l’humilité de mon quotidien.

Une amie mère de famille me disait combien il était dur de renoncer à s’engager dans des trucs tops pour se consacrer à sa famille. « C’est une éducation du regard, pour apprendre à voir ma sainteté dans le changement de couche de 4h du matin ». Un ami séminariste répète souvent : « pour être saint, nous n’avons que l’espace et le temps où nous sommes ».

Oui, car le devoir d’état est bien le chemin le plus évident vers la sainteté. Accomplir fidèlement, quotidiennement, héroïquement, les tâches qui nous incombent. Y rencontrer Dieu.

Ma sainteté aujourd’hui se joue donc en grosse partie dans mes livres de médecine… D’ailleurs, je vous laisse, Dieu m’attend à mon bureau : le devoir m’appelle ! 😀

13 Réponses to “Divin devoir”

  1. Effeil53 27 juillet 2013 à 13 h 34 min #

    Magnifique, comme d’habitude!

  2. docmam 27 juillet 2013 à 13 h 45 min #

    J’aime beaucoup 😉

    J’ai souvent cette réflexion aussi, de voir tout ce à quoi je renonce parce que j’ai une famille et que bordayl on ne peut pas tout faire.

    La médecine, c’est ça aussi. Au début, t’as des ambitions, des vraies ! Tu vas faire de la grande médecine, genre de la chirurgie à cœur ouvert, ou être urgentiste et partir faire pin-pon en hélicoptère (oui les hélico font pin-pon si je veux) et mieux encore, faire de l’humanitaire et SAUVER LE MONDE au moins.

    Mais la médecine de l’ombre, la médecine du quotidien, la médecine toute humble qui en jette pas beaucoup… ben c’est ptet ben tout aussi plein de sainteté, parfois plus.

    Et pis bon, soigner des lépreux en Inde, c’est facile, mais j’aurais aimé voir Mère Thérésa endormir un nourrisson qui pète le feu à 2h du matin tiens. 😉

  3. corine 27 juillet 2013 à 17 h 00 min #

    Donc, donc, donc. Je vais DEVOIR me contenter d’aimer et d’accompagner mes trois loustiques d’enfants encore un bon bout de chemin, pis corriger encore plein de copies, pis croiser encore plein de gamins qui savent pas trop pourquoi il faut la préparer la première des communions pfffffffffffff… mais docmam me rassure et toi aussi Dop et joie et merci.[Musique genre samba brésilienne tiens pour rester dans l’ambiance] 😀

  4. Anna 27 juillet 2013 à 20 h 00 min #

    Waou!! Tu révolutionnes mes études de médecine d’un coup! La journée fut plutôt maussade à tenter de bosser la tuberculose et autres réjouissantes maladies mais paf là de suite je sens l’effet de la dopamine sur mon petit cerveau fatigué!! 🙂 Merci!

  5. Rémi Chagarou 28 juillet 2013 à 18 h 57 min #

    6em année de médecine, et tu chouines pour apprendre ton bouquin de c ardio?
    hé bé ! déjà chapeau pour être arrivée si loins!
    6em année de médecine, et dans 10 mois, diplome, si tu y arrive, ce sera 7 em année de je sais pas quoi … quand on vise médecin on commence à bosse à 30 ans , et encore tout dépend de la vocation, de la spécialité ….
    La grande erreur à ne pas faire, c’est de se comparer aux saints. les saints sont tous morts en martyre … ton martyre n’est pas de faire médecine.
    Et ton chemin de croix, vu le monde dans lequel on vit, ce n’est certainement pas tes études.
    Moi je suis un ancien clochard, vagabond, bouffé par les rats, qui a vaincu le cancer. Est-ce que je suis saint ? non, parce que je peux prier tous les jours Dieu, lui offrir mes chapelets, si je ne peux réussir à avoir ce que je demande malgré mes efforts, tant pis, c’est que Dieu m’accorde pas cela. Et malgré tous mes efforts à reprendre une vie soit disant normale, je reste encore en marge malgré mon toit qui me protège la nuit …. qui est de + en + éphémére.

    C’est quoi le devoir? réussir tes études, donc forcément trimer comme dingue dans des bouquins de choses que spoke peut comprendre … V
    aussi de vivre et survivre.
    Divin devoir je pense que c’est ça , en ajoutant, en rendant grâce, aimer Dieu, et tenter d’aimer son prochain, ce qui est vraiment dur …
    Simplement être bon.

    Et t as beau être adulte, même à 40 50 60 ans t en as encore à apprendre, crois moi.

    Et Dieu tu peux surtout le rencontrer dans la rue en allant prendre ton métro, ici sur le blog, ou en allant prendre ton sandwich ( ceux du CHR sont dégueux ) et pas forcément dans la bulle de tes études.

  6. Claire 29 juillet 2013 à 22 h 23 min #

    Merci Dopamine, être là ou Dieu nous attend…c’est être sous le même joug que Lui, le joug est du coup léger car Il porte le plus lourd et est prêt à nous porter si besoin…mais parfois cela nous coûte…Faire rapidement le courrier de consultation alors qu’on a la flemme, emmener au parc le petit dernier alors qu’on préférais méditer l’évangile sous la couette, prendre du temps à aider notre ado alors qu’on est crevé en rentrant de l’hôpital (ah…ces temps de transport.!!).. Peut être que l’amour commence vraiment quand cela nous sort un peu de nous même..Bon devoir-rencontre à tous. Claire

  7. celine 30 juillet 2013 à 8 h 32 min #

    Bravo! Eh bien en ce moment mon devoir d’état est celui de malade à l’hôpital justement. Pas facile de sanctifier cette situation quand je vois mes proches s’inquiéter pour moi. J’espère bientôt retrouver mon autre devoir d’état qui est celui de mère de famille!

    • celine 30 juillet 2013 à 8 h 35 min #

      Sinon la date du 26 juillet m’est précieuse aussi puisque c’est l’anniversaire de mes filles (pas la même année, mystère de la vie! )

  8. Laurore 2 août 2013 à 14 h 13 min #

    La mère de famille épuisée que je suis sera contente que le cardiologue ait bien lu ses bouquins quand son cœur lâchera.. J’aime cette complémentarité des états de vie, et donc des devoir d’état! Merci!

  9. Eliette 3 août 2013 à 22 h 37 min #

    Merci Dop’! Love it 🙂

  10. Emmanuelle 6 août 2013 à 14 h 57 min #

    Ne t’en fais pas, je viendrai t’apporter du coca (rouge le vrai !), du jus d’orange et des cookies carrefour. Et peut-être même qu’un jour je te ferai vraiment des crêpes au nutella !
    Bon courage pour cette année ma chère Dopamine !

  11. Anonyme 11 août 2013 à 3 h 24 min #

    J’ai découvert ton blog il y a maintenant quelques mois.
    Après une période difficile, j’ai remis pas mal de choses en question et suis encore en période de transition entre une maladie qui s’accroche et le désir d’avancer. C’est la première fois que je laisse un commentaire, et c’est parce que cet article fait écho en moi, donc je profite de l’occasion pour te remercier de mettre des mots clairs sur l’informulation de mes certitudes.

  12. Tangee 21 octobre 2013 à 17 h 25 min #

    C’était pas Sainte Thérèse qui disait en finissant la vaisselle de tout le couvent que « Dieu se trouve au fond des casseroles » … ?…
    🙂

    (Je découvre ton blog et il me plait beaucoup !)

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